Historique du Qi Gong

QI GONG « Exercices et maîtrise (Gong) du souffle (Qi) ».

Les cinq grandes périodes dans l'histoire du qi gong :

1. De l'antiquité à 1949 : les pratiques ancestrales
2. De 1949 à 1964 : création du Qi Gong moderne
3. De 1964 à 1978 : répression et clandestinité
4. De 1978 à 1999 : renouveau du Qi Gong
5. De 1999 à 2007 : réglementation de la pratique publique

I. De l’antiquité à 1949 : les pratiques ancestrales 2690-2590 av. JC

Dans le Huang Di Nei Jing, il est question du Tu Na Qi Gong en ces termes : « Inspirez et expirez le Subtil de l’air, gardez uniquement l’Esprit, soyez exempt de toute pensée ».
On parle dans cet ouvrage du Dao Yin (conduire et étirer) comme l’une des cinq méthodes pour nourrir le corps et traiter les maladies. Aujourd'hui, ces termes sont utilisés pour désigner des exercices physiques ou la gymnastique corporelle chinoise.

VIème siècle av. JC

Le philosophe Lao Tseu décrit dans le « Tao Te Ching » différentes techniques de respiration permettant d’augmenter la circulation du Qi pour accroître la longévité.

IIIème siècle av. JC

Le philosophe Tchouang Tseu note dans le « Nan Hua Ching » les relations entre la respiration et la santé et indique que « Les anciens respiraient aisément jusqu’à leurs talons ».

206 av. JC - 220 ap. JC : dynastie des Han

En 1972, des archéologues chinois découvrent à Mawangdui près de Changsha, dans la province de Hunan, un tombeau contenant les momies du marquis de Dai, de sa femme Xin Zhui (marquise de Dai) et de son fils.
Dans le cercueil de Xin Zhui se trouve un rouleau de soie en couleurs représentant 44 personnages, hommes et femmes de tous âges, pratiquant le Dao Yin, exercices taoïste du deuxième siècle avant notre ère (190-168 av. JC : dynastie des Han Occidentaux). Parfois, l’organe ou le viscère concerné par l’exercice est indiqué, le son à émettre pour les stimuler également.

Rouleau de soie retrouvé dans le cercueil de la marquise de Dai représentant 44 personnages pratiquant le Dao Yin

Rouleau de soie retrouvé dans le cercueil de la marquise de Dai représentant 44 personnages pratiquant le Dao Yin

Dans le Liu Qing Xi, datant certainement d’une époque antérieure à la dynastie Han, apparaît la première synthèse complète d’une forme de Qi Gong basée sur l’imitation des mouvements de six animaux :

  • l’oiseau étend ses ailes
  • le canard sauvage nage
  • le hibou regarde dans la nuit
  • l’ours marche
  • le singe saute
  • le tigre tourne la tête

25 - 220 ap. JC : dynastie des Han postérieurs

Le célèbre médecin Hua Tuo (141-208) développe un enchainement d’exercices de Qi Gong élaboré à partir de l’observation de mouvements de 5 animaux  (l’ours, le tigre, le cerf, le singe, la grue) et nommé "Le jeu des cinq animaux » (Wu Qin Xi).

Wu Qin Xi de Hua Tuo

Wu Qin Xi "Le jeu des cinq animaux" de Hua Tuo

Des lettrés taoïstes de cette période, sur les fondements de  la pensée de Lao Zi et de Zhuang Zi (vers 370 - 300 av. JC), ont écrit des essais sur l’art de nourrir la vie ou de préserver la santé.

220 - 265 : dynastie des Trois Royaumes

Xi Kang (223-262 ap. J-C), poète, musicien et taoïste célèbre, écrit le Yang Sheng Lu (Traiter pour nourrir la vie) comprenant  la notion d'hygiène, exercices de gymnastique, techniques de massage, de respiration, de diététique, et de règles de vie.

420 – 589 : dynasties du Nord et du Sud

Avec l'introduction du bouddhisme en Chine et son développement entre le Vème et Xème siècle, les pratiques corporelles (exercices physiques et arts de combats) se développent dans les monastères.

D'après la légende, le Yi Jin Jing fut introduit par Bodhidharma dans le temple Shaolin sur le mont Tsongchan, dans la province du Henan, au Vème siècle. Ces exercices constitués d'étirements et de renforcement des muscles et des tendons étaient pratiqués par les moines pour éliminer la fatigue et garder une bonne condition physique après de longues prières et  séances de travail.

 Yi Jin Jing de Bodhidharma

Yi Jin Jing "Principe de transformation et de nettoyage des muscles/tendons » de Bodhidharma

618 – 907 : dynastie des Tang

La conception taoïste du corps et du monde a influencé considérablement les pratiques corporelles chinoises. Les techniques respiratoires avaient pour but d'assurer la libre circulation du souffle, des fluides et du sang dans les vaisseaux. Le Nei Gong, exercices et maîtrise (Gong) de l’interne (Nei), prend un essor important durant cette période. Pour la première fois apparaît le terme Qi Gong dans un texte taoïste avec le sens de "procédés du souffle" :

  • souffle externe dans les exercices respiratoires et gymniques
  • souffle interne dans les procédés de visualisation et de concentration

Dans le Chen Gin Fan, Sun Si Miao (581 - 682) décrit une méthode pour contrôler le flux du Qi. Il y introduit l’utilisation de six sons (chap 4) et précise leur relation avec les divers organes internes.

Un Qi Gong taoïste, le « Zhou Tian Gong », commence à prendre son essor sous la dynastie des Tang.

960-1279 : dynastie des Song

Zhu Xi, maître confucianiste, rédige un ouvrage intitulé « L’art d’harmoniser la respiration ». On y trouve notamment la phrase suivante : « Ce livre que j’ai écrit ne sert pas uniquement à harmoniser la respiration, c’est aussi une méthode pour nourrir le cœur. Généralement les gens qui ont le cœur agité expirent trop longuement et inspirent trop rapidement ; c’est pourquoi il faut disposer d’une méthode qui permette de régulariser la respiration. Quand les pauses respiratoires et la respiration deviennent régulières, le cœur se calme ; c’est pourquoi il est dit que lorsque l’on contrôle bien la pensée active (Zhi) le Qi ne peut se gaspiller ».

Du sens « procédés du souffle » apparut sous les Tang (618-907) le terme de Qi Gong prends un sens différent, celui d’ « efficience du souffle ».

Cette période est prolifique en documents sur les arts corporels chinois. Les exercices en position assise selon les 24 périodes de l'année et les exercices en position couchée auraient été inventés par le légendaire Chen Tuan (Chen Xi Yi) maître taoïste dans l’art de préserver la santé.

Le Général Yue Fei (1103-1141) créa les Ba Duan Jin (huit pièces de brocart) pour améliorer la santé de ses soldats.

Ba Duan Jin de Yue Fei

1368 – 1644 : dynastie des Ming

" La moelle du phénix rouge" (Chifeng Sui), ouvrage rédigé en 1579 par le taoïste Zhou Lujing, représente une compilation de textes les plus représentatifs sur les techniques du corps, du souffle et méditatives, datant des dynasties Tang (618 – 907), Song (960 – 1278), Yuan (1279 – 1368) et Ming (1368 – 1644). Les illustrations sont les plus anciennes à nous être parvenues. Divers thèmes sont abordés notamment la santé avec douze textes. A la même époque Luo Hongxian, lettré taoïste, publie deux ouvrages de référence comportant des exercices respiratoires taoïstes des anciens immortels ainsi que des prescriptions médicales.

  • Weisheng Zhenjue (« Formules pour se maintenir en bonne santé »)
  • Wanshou xian shu (« Livre des immortels »)

1644 – 1911 : dynastie des Qing

Les pratiques de Dao Yin Qi Gong et d’alchimie interne taoïstes ont été présentées pour la première fois en France par le père jésuite Jean-Joseph Amiot (1718-1793) qui vécu à Pékin de 175 à1793 année de son décès.

La principale source d'inspiration pour le qi gong moderne demeure le traité illustré "Nei Gong Tu Shuo" (Explications du travail interne), préfacé par Wang Zuyuan. En 1854, il séjourna pendant 3 mois au temple Shaolin. Un des chapitres important est consacré à la "Méthode des douze trésors" (Shi Er Duan Fa).

Entre 1800 et 1900, plusieurs auteurs firent des compilations et révisions des traités anciens, ainsi que des rajouts. Un grand nombre de documents illustrés expliquant les différentes techniques date de cette époque.

En 1832, une édition complétée en quatre volumes de Cao Ruoshui recense des techniques anciennes de longévité.

En 1895, John Dudgeon, médecin écossais, écrit « Kung Fu or Medical Gymnastics » après avoir constaté que les pratiques chinoises avaient une valeur hygiénique.

A cette époque, la transmission du savoir commence à se faire auprès des laïcs, de maître à disciple, au sein  de petits groupes ou dans la famille selon l'école et le courant d'origine.

Les différents courants ancestraux :

  • le confucianisme
  • le taoïsme
  • le bouddhisme
  • les arts martiaux
  • les médecins et les guérisseurs

Au cours des siècles, ces cinq grands courants se sont influencés et mélangés mutuellement. Ils avaient en commun le souhait de préserver la santé, l’intégrité physique et mentale, pour vivre en harmonie avec la nature, se connaître et se contrôler, servir le bien commun, sa famille ou son clan.

II. Création du Qi Gong moderne

De nos jours, la pratique du Qi Gong est extraite du contexte taoïste et englobe l’ensemble des pratiques.

Deux ouvrages rédigés respectivement en 1915 et 1929 utilisent ces termes pour désigner la force issue de ces exercices et son utilisation dans les arts de combats. L’emploi de ces termes comme méthode de soins est attesté seulement en 1934 dans un ouvrage de Dong Hao dédié au traitement de la tuberculose par le Qi Gong.

1947

Liu Guizhen (1920-1983), jeune cadre du parti, est traité pour un ulcère par son oncle Liu Duzhou qui lui apprend le travail de la force intérieure (neiyanggong). Le parti le pousse à approfondir cette pratique. Le secrétaire du parti, Cheng Yulin, l'assigna à l'enseignement dans le sanatorium des cadres du Hebei méridional et l'entoura d'un groupe de chercheurs.

De 1949 à 1954

Le 3 mars 1949, lors d'une réunion de travail sur la santé, Huang Yueting, chef des chercheurs au sanatorium, proclame officiellement l'adoption des termes "méthode thérapeutique de qigong" Qi Gong Liao Fa.

Le terme Qi ayant de multiples significations, de nombreux spécialistes le trouveront inapproprié.Chen shou, fondateur du sanatorium de shanghaï, dira : " Si on considère le qi comme signifiant certains phénomènes de l'activité du système nerveux, on peut facilement le comprendre, mais si on insiste en disant que c'est l'effet dans le corps humain du mystérieux qi cosmique, il sera impossible de se libérer d'un revêtement mystique".

De nombreux courants préférerons garder le terme ancien :" méthode pour nourrir la vie" (yangsheng fa).

1954 à 1961

L'originalité de Liu Guizhen et de son équipe de chercheurs est de regrouper de nombreuses pratiques qui se complètent en créant une théorie qui est la base du qi gong d'aujourd'hui. Il insiste sur les trois fondements de la pratique : la technique, le souffle et l’intention. Au départ, Liu Guizhen enseignait 4 méthodes au sanatorium de Beidahe :

  • Neiyanggong : méditation en position assise (voire sur une chaise) ou allongée, avec concentration sur certaines zones du corps
  • Qiangzhuanggong : méditation en différentes postures (debout, assise, libre)
  • Xingbugong : mouvements gymniques ambulatoires
  • Baojiangong : auto massages en position assise

De nombreux sanatoriums ou cliniques vont introduire "la méthode qi gong" dans les traitements avec exercices spécifiques selon les maladies.

Plus de 70 unités thérapeutiques de qi gong voient le jour dans toute la Chine.

A Pékin, les méthodes les plus répandues sont le zhanzhuangong (méditation en posture du pieu) et le jeu des cinq animaux de Hua Tuo.

Dans le sanatorium de Shanghai est créé le qi gong de relaxation (fangsonggong) tiré des techniques de méditation de Jiang Weiqiao (1873-1958) car on s'est aperçu que la tension nerveuse est un obstacle à la pratique efficace du qi gong.

Techniques de relaxation de Jiang Weiqiao

Techniques de relaxation de Jiang Weiqiao

Décembre 1955

Reconnaissance officielle par le ministère chinois de la santé de l’intérêt thérapeutique du Qi Gong.

Tiré de son contexte religieux, la pratique du Qi Gong prend un aspect quasi scientifique.

Cette pratique fut encouragée et enseignée officiellement dans un certain nombre d’universités en Chine.

1957

Publication du livre de Liu Guizhen « qigong liafo shixian » (application de la thérapie par le qi gong) qui devient la référence. Depuis ce temps, sa méthode est reproduite dans de nombreux ouvrages.

Ce fut l’âge d’or du Qi Gong. Grâce au mot d'ordre : "le médecin doit étudier le savoir du peuple pour servir la nation", les échanges entre les experts populaires, les hôpitaux et les facultés de médecine se développent.

1960

De nombreux fondateurs du Qi Gong moderne, membres du parti communiste, et la médecine traditionnelle sont la cible de Mao Zedong qui fait progressivement fermer les établissements dédiés à la pratique et à l’enseignement de la discipline.

III. Répression et clandestinité

1966 – 1976 : révolution culturelle

Toutes les institutions d'état sont fermées, les praticiens envoyés en camp de rééducation. Les pratiques familiales et populaires continuent dans la clandestinité.

Malgré la pression du pouvoir, Guo Lin, artiste peintre, continue à pratiquer  et à enseigner le Qi Gong dans les parcs publics jusqu'à la fin de la révolution culturelle.

Elle-même soigne son cancer par le Qi Gong avec l’aide de son grand-père maître taoïste.

1977

Forte de son expérience de sept années d'enseignement et de soins Guo Lin envoie un rapport  sur sa méthode au ministère de la santé qui reconnaît sa "Nouvelle méthode thérapeutique de Qi Gong" et favorise sa promotion et son développement.

1. Renouveau du qi gong

1978 à 1989

La particularité de Guo Lin est l'enseignement dans les parcs hors des institutions des années 50. Avec la diffusion de masse, la formation de nombreux groupes, le qi gong devient populaire.

A 70 ans, Guo Lin est donc à l'origine du développement du qi gong durant les années 80.

Suite à cette pratique de masse, certains Qi Gong ont un grand développement :

" Le qi gong de la grande oie" de Yang Meijun qui en 1978 décide d’enseigner au plus grand nombre ce Qi Gong taoïste jusqu’alors transmis dans la famille de génération en génération.

"L'envol de la grue" de Zhao jingxiang, forme de qi gong des années 80 basée sur les mouvements spontanés à partir de la méditation et de l'imitation de la grue.

" Qi gong nourrissant" de Ma Litang issu du Wu Shu (arts de combat) adapté à tous. Egalement création de formes spécifiques pour les personnes âgées.

Pendant cette période émergent de nouveaux qi gong avec Liang Shifeng (mouvements spontanés du jeu des cinq animaux), Pang Heming (qigong de la sagesse…

Le développement du qi gong engendre des abus avec l’émergence de nouveaux concepts comme la transmission de pouvoirs surnaturels et de nouvelles pratiques incontrôlées avec transes et délires. Pour certains adeptes, cette pratique aboutira à de sérieux problèmes de santé.

1989 à 1999

L'état tente de contrôler le développement du Qi Gong en publiant  la liste des personnes autorisées à l’enseigner.

En 1995, suite à de nombreuses escroqueries et au développement de groupes à caractère sectaire, un vent de critiques s’élève contre certaines pratiques du Qi Gong. De nombreuses associations sont démantelées et en 1999, des groupements comme le Falun Gong et le Zhong Gong sont démantelés.

2. Règlementation de la pratique publique

1999 à nos jours

L'état valorise les techniques ancestrales qui ont fait leurs preuves et a règlementé la pratique et l'enseignement du Qi Gong.

Le Qi Gong est scindé en 2 pôles :

- le Qi Gong thérapeutique enseigné et pratiqué dans les cliniques, hôpitaux et sanatoriums

- le Qi Gong hygiéniste, de bien-être, enseigné dans les parcs et dans les centres sportifs.

La majorité des hôpitaux de médecine traditionnelle emplois des médecins soignant par le Qi Gong et enseignant ces techniques.

Le Qi Gong est enseigné dans les universités de médecine traditionnelle.

Thierry Lautard

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